- RÉGIONALES 2015 - FOCUS SUR VILLIERS-LE-BEL
« Dis moi pour qui tu as voté… »
L’habitude de la gauche, le passage à droite ou la tentation du FN : trois Beauvillésois, trois constats amers et pourtant trois attitudes différentes après cet étrange scrutin… la parole est au citoyen, Visago s'en fait le relais !

Hervé, Maëva, Faouzi (1)… ces trois habitants de Villiers le Bel sont terriblement désabusés à l’issue du second tour des régionales. Si l’un a voté socialiste par tradition familiale, l’autre est passée à droite le temps d’un scrutin et le troisième, qui se découvre des sympathies pour le FN s’est abstenu comme 60 % des Beauvillésois.
« Les forces de l’ordre sont plus sur le terrain que les politiques »
Hervé, 44 ans, parent d’élève sur un groupe scolaire du quartier de Carreaux, ne semble pas étonné que le Gauche ait perdu la Région Ile de France : « on avait du mal à percevoir ce que le candidat socialiste apportait de plus dans son programme ». Pourtant il revendique une appartenance socialiste depuis une vingtaine d’année avec des grands parents et des parents qui ont toujours voté à gauche à Villiers le Bel. Et Hervé a continué la tradition…
Mais s’il continue à voter socialiste, c’est sans grand enthousiasme… « L’avancée du FN reste timide à Villers le Bel, mais il faut que la majorité fasse la politique autrement et soit davantage à l’écoute et présent sur le terrain. Depuis les attentats les forces de l’ordre sont plus sur le terrain que les politiques eux-mêmes ! La section socialiste est inexistante…».
« Bartolone, il n’a pas à faire ce distinguo. Il vise des personnes, plutôt que leur programme ! ».
Maëva, 21 ans et étudiante en langues étrangères semble avoir déjà décroché de la politique. Elle est amère peut-être parce que le « chômage a fait une entrée fracassante depuis cet été où mon père a été licencié suite à de graves problèmes de santé ». Pour autant, Maeva reste ambitieuse et envisage de s’expatrier. Certains de ses anciens amis du lycée Jean Jacques Rousseau l’ont fait, elle souhaite sauter le pas. Alors la politique…. « La classe politique est plus occupée à manœuvrer en coulisses pour écarter le FN qu’à se pencher sur l’emploi des jeunes, le chômage, le pouvoir d’achat ».
Elle a voté à Droite ce dimanche 13 décembre. Et pourtant, au premier tour, comme toute sa toute la famille, elle avait voté à gauche. Mais choquée par la sortie de Bartolone contre Pécresse qui défendrait en creux « la race blanche », Maëva a finalement glissé un bulletin de droite dans l’urne : « Cette phrase a discrédité Bartolone, il n’a pas à faire ce distinguo. Il vise des personnes, plutôt que leur programme ! ». On la comprend... Imaginez si Pécresse avait lâché « Bartolone, vous défendez Sarcelles, Villiers le bel et la race noire ». Il y aurait des émeutes !
« Je parie… que le FN passe en 2017 ! ».
Faouzi, la cinquantaine, est au chômage et semble avoir définitivement tourné le dos à la politique. Après un licenciement économique il n’a jamais pu se réinsérer. Il a choisi d’encadrer les jeunes dans un club de football d’une ville voisine.
Il n’a pas voté, ni sa femme ni ses enfants.
Pourtant, s’il avait voté il l’aurait fait en faveur du FN ! Faouzi est « en colère contre ces nantis qui se lèguent le pouvoir et affament le peuple », alors pour garder espoir « il préfère le contact avec les jeunes, ils ont tant à donner et lui autant à leur transmettre. C’est du bénévolat mais je me sens utile et les jeunes me respectent ». Son enthousiasme reste de courte durée, « mais je ne sais pas ce que les politiques font pour les jeunes, et dans cette ville de Villiers le Bel il y a pourtant des jeunes de qualité ».
Les yeux malicieux, il glisse en tirant sur sa cigarette « je parie ce que je n’ai pas… que le FN passe en 2017 ! ».
A Villiers le Bel, se côtoient des générations qui ont perdu le fil de la politique… Qui se sentent des oubliés de la politique. Même si la ville crédite le candidat socialiste d’une belle avance face à Valérie Pécresse, hier la Région Ile de France a basculé à droite dans un contexte de division politique et de fracture de la société française.
On pense alors à cette citation de l’écrivain Philippe Fuzelier « de tous nos maux, le plus grave est d’avoir semé contre notre jeunesse. La germination a abouti à leur désœuvrement, leur désespérance. Le résultat les a conduit dans le fatalisme, l’indifférence ou dans la folie de l’intégrisme. L’heure n’est plus aux règlements de comptes politiques. Le moment est arrivé d’un sursaut citoyen, en nous imposant au politique discrédité et de prendre notre destin en mains, par tous les moyens d’indignation en refusant l’avènement de la bête immonde ».
Par Lara Gettem
(1) les prénoms ont été changés