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"Sommes-nous des Français de seconde zone ? "
Farid vit à Villiers le Bel. Il est Français et Algérien. Il est effaré par le débat sur la déchéance de nationalité. Visago lui donne la parole.

Je suis né de parents Algériens dans une fratrie de 4 enfants. Jusqu'à l'âge de 17 ans j'étais Algérien, je vais vous raconter par ces quelques lignes comment je suis devenu Français et donc Binational. Un été de 1981, je me rends au commissariat de Sarcelles pour faire une demande de carte de séjour travailleur car j'avais été recruté pour un travail d'été. C'est à ce moment que le fonctionnaire de police me dit que je n'ai pas à faire de demande de carte de séjour car je suis Français en disposition de l'article Franco-Algerien disant que tout enfant d'Algeriens né après 1963 sur le sol Français est Français.
A ce moment là, je n'ai pas senti de joie ni d'émotion particulière. J'avais comme souvenirs les nombreux contrôles d'identité au faciès de la part des policiers qui se faisaient un malin plaisir à me provoquer jusqu'à un jour me jeter ma carte d'identité Algérienne au sol en criant "C'est quoi ce chiffon!" Alors tomber sur un policier gradé proche de la retraite qui me dit que je suis Français, cela m'a fait tout drôle !
Si le FN vient au pouvoir…
En ce jour, j'étais Français et Algérien et je devais apprendre à faire avec, pour moi la nationalité n'est pas un chiffon, nous ne pouvons pas jouer avec comme avec le projet de texte de loi de déchéance de la nationalité française car il y aurait le risque d’une rupture d’égalité. En effet, la déchéance de nationalité, déjà possible pour les binationaux naturalisés français, serait étendue aux binationaux, Français de naissance. Mais elle ne frapperait pas les «seuls» Français puisque divers textes internationaux interdisent de produire des apatrides. D’où le risque de stigmatiser les quelques 4 millions de binationaux.
De par mon parcours de militant des droits de l'homme, je suis amené à rencontrer de nombreux habitants du territoire et je peux vous dire que ce projet de loi amène beaucoup d'interrogations et questionnements. "Sommes- nous des Français de seconde zone ? ".
« Que nous arrivera-t'il si le front national arrive au pouvoir ? » . « Un mono Français terroriste aurait-t-il plus de droits que nous ? ». Voilà ce qui se dit à Villiers le Bel, Sarcelles et Gonesse !
Face au risque de buter sur le seuil nécessaire des trois cinquièmes de suffrages de parlementaires pour réviser la Constitution, l’exécutif a, un temps, songé de se rabattre sur une simple loi, mais a vite conclu, là encore, à l’impasse.
Ce projet est en contradiction avec l'article Premier de la Constitution qui ne sera pas retiré de la Constitution par l'adoption de l'amendement proposé ; il stipule : "La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction..." Il est anticonstitutionnel d'adopter des lois sélectives qui ne s'appliquent qu'aux unijambistes ou uniquement aux blonds ou uniquement aux noirs ou uniquement à ceux dont l'adresse se situe dans des zones défavorisées est anticonstitutionnel. Ce n'est qu'un prétexte pour dissimuler les vraies motivations inavouables.
C'est pourquoi, je suis contre une démocratie sous état d’urgence, ni même une réforme constitutionnelle imposée sans débat, en exploitant l’effroi légitime suscité par les attentats.
Je ne peux accepter la gouvernance de la peur, celle qui n’offre aucune sécurité mais qui assurément permet de violer nos principes les plus essentiels.
Par Farid Saidani
Tresorier AIB
(Association Internationale des Binationaux)
Chevalier de l'ordre national du mérite