- Portrait
Marie Pape-Carpantier, la mère des maternelles
On connaît l’école qui porte son nom à Villiers le Bel… Mais savez-vous qui était Marie Pape-Carpantier ? Cette Beauvillesoise a été une pédagogue et une militante pour l’éducation des filles et les droits des femmes en France.

Tout comme Beethoven n’était pas seulement un sympathique Saint-Bernard, vous allez comprendre pourquoi tant d’écoles portent le nom de Marie Pape-Carpantier.
Marie Pape-Carpantier est née en 1815 à La Flèche (78) et est décédée en 1878 à Villiers-le-Bel (95). Retenons trois points essentiels de celle qui a inventé « l’école maternelle » en insistant sur l’aspect de bienveillance envers les enfants : «Aimez par-dessus tout et en particulier, chaque enfant confié à vos soins».
Elle a été :
• Une pionnière en matière de pédagogie pré-élémentaire : création de matériel pédagogique innovant et adapté aux jeunes enfants (ex : le boulier).
• La première femme nommée à la tête d’un établissement d’enseignement. En 1848, elle est directrice de l’Ecole normale maternelle à Paris ; elle y est nommée par le Ministre de l’Instruction publique (ancêtre du Ministre de l’Education nationale) et doit former les futurs enseignants.
• La première femme à avoir pris la parole à la Sorbonne (1862) où elle présente ses méthodes d’enseignement.

Après le décès de son père, elle est contrainte de quitter l’école à 11 ans pour travailler avec sa mère et subvenir aux besoins de la famille, comme la plupart des enfants d’origine modeste. Elle devient repasseuse puis gantière, métiers typiquement féminins de l’époque.
Apprendre en s’amusant
Une loi de 1833 oblige les communes à créer des écoles primaires et des « salles d’asile » pour les enfants les plus défavorisés. C’est ainsi que Marie Pape-Carpentier se voit confier la direction d’une de ces salles d’asile où elle est chargée d’accueillir une centaine d’enfants.
D’entrée de jeu, ses salles ne font plus office que de simple garderie. Elle y ajoute une nouvelle dimension : une dose d’instruction et une dose d’activité physique. Elle a sa propre « méthode » basée sur l’expérimentation et les « leçons de choses » ; elle est fondamentalement convaincue qu’il est possible d’apprendre en s’amusant et elle croit aux potentiels et à la « curiosité naturelle » de chaque enfant pourvu qu’il soit stimulé.
Passionnée de poésie et des arts, elle écrira aussi énormément d’ouvrages de pédagogie et des livres pour enfant, dont le fameux Conseils sur la direction des salles d’asile qui sera même salué par Victor Hugo lui-même.
Sa liberté et son indépendance ont dérangé les institutions qui l’ont temporairement démise de ses fonctions en 1874 avant de la réhabiliter à nouveau. De même, il faut savoir qu’à cette époque l’instruction des jeunes filles était assurée par les institutions religieuses qui voyaient d’un mauvais œil les pratiques de Marie Pape-Carpantier et de ceux qui la soutenaient. Si aujourd’hui nous bénéficions de toutes ces avancées, l’on peut donc imaginer le combat épuisant que cela a représenté.
Elle a ouvert la voie à Montessori
Le mot de pionnière n’est pas usurpé pour parler de cette femme qui voulait que les enfants aient «droit à la meilleure instruction possible». Elle a introduit les prémices de l’enseignement scientifique. Elle voulait également lutter contre l’obscurantisme du « merveilleux » contenu dans les contes de fées, car ils nécessitaient une double lecture et un décryptage. Même dans ses ouvrages, il existe une petite part d’utopie qui a pu prêter à sourire ; peut-être était-ce dû à son goût pour les arts et sa volonté de changer le monde.
Marie Pape-Carpentier était en phase avec la réalité socio-économique de son époque. Et même si elle a été trop souvent oubliée, elle a ouvert la voie à deux autres femmes qui ont révolutionné la pédagogie enfantine : Pauline Kergomard (1838-1925) puis Maria Montessori (1870-1952) en Italie.
L’avancée la plus importante à laquelle elle a contribué est que l’enfant est au centre de l’éducation ; le maître n’occupe plus la place centrale. Elle exhortait également l’enseignant à s’interroger sur ses pratiques en vue de s’améliorer.
Pour une mise en perspective, où en est l’héritage laissé par Marie Pape-Carpantier ? L’on peut s’interroger sur les réelles missions éducatives de l’école maternelle aujourd’hui, lieu où il est possible de lutter contre les inégalités sociales, lieu où il est possible de vivre ensemble et d’apprendre ensemble.
Par Saliha Medarbi
1/ Une « salle d’asile » est un établissement qui servait à mettre à l’abri des enfants en bas âge des dangers de la rue ou de l’abandon. En 1845, les « salles d’asile » deviennent les « écoles maternelles »
2/ Ouvrages consultables sur le site de la BNF
3/ Voir aussi La Volière aux enfants, téléfilm d’Olivier Guignard (2006)
A méditer
Cet extrait de Enseignement par les yeux : zoologie des écoles des salles d’asile et des écoles élémentaires « Quand on examine sincèrement… l’ordre dans lequel les diverses branches d’instruction sont introduites dans la marche des études, on ne peut se défendre d’un profond étonnement et d’une certaine tristesse. […] Il semble, en effet, que l’on commence par où l’on devrait finir – et que l’on finit par où il faudrait commencer »