- Interview
Dr Roland Lussato : « Les jeunes du quartier… ils m’appellent “Tonton” ! »
Pour la troisième partie de notre dossier concernant la santé sur nos territoires, Visago est allé à la rencontre de l’un des “derniers” médecins de quartier sur Villiers-le-Bel, le docteur Roland Lussato, installé depuis 1969. Rencontre avec l’une des “mémoires” du quartier des carreaux.

Visago : Depuis combien de temps et comment êtes-vous arrivés sur le quartier des carreaux ?
Roland Lussato : Je suis arrivé en 1969. Je devais m'installer à Montreuil, mais au final je me suis rapproché de mes parents, qui habitaient Villiers-le-bel.
Pourquoi dans un quartier plutôt que dans un centre medical ? D’ailleurs, que pensez-vous des centres médicaux ?
R.L. : En 1969, il n'y avait pas de centres médicaux. Il n’y avait que des cabinets privés donc pas d'autres choix. De manière générale, je suis contre les centres médicaux car, tôt ou tard, les médecins finissent par les quitter. Il faut dire que les frais sont souvent très chers. Et puis, moi j'aime être libre !
Aujourd'hui le tiers payant se généralise quel est votre avis et vous, le pratiquez-vous ?
R. L. : Oui, je pratique le tiers payant, c'est-à-dire que les patients ne paye que 30 % de la consultation, sans problème. Mais cependant je suis contre le tiers payant généralisé. Le système rend les médecins, selon moi, otages des mutuelles. Et je crains qu’elles finissent par imposer et substituer une logique "argent" plutôt que "santé".
Quelle différence observez-vous entre vos patients d'aujourd'hui et ceux de vos débuts ?
R. L. : Il est vrai que les patients ont beaucoup changé. Il y avait à mon arrivée une grande majorité d'Européens (Portugais, Espagnols, Italiens, Yougoslaves...). Puis, ces derniers ont déménagé et ont été remplacés par de nouvelles et différentes vagues d’immigration (maghrébine, africaine, turc, kurde et indo-paskitanaise). Hier, comme aujourd'hui, l'ensemble des patients a toujours été respectueux du médecin de quartier que je suis.
Vous êtes installés depuis 1969. Vous avez donc dû croiser plusieurs générations d'habitants ?
R. L . : J'ai connu quatre générations de certaines familles. On se tutoie, car le tutoiement ça me fait plaisir. Je vis très bien ma profession notamment avec les jeunes du quartier et du coup il m'appelle « tonton » ! Ça, c'est la vraie médecine ! Et j'espère pouvoir la pratiquer encore un bon bout de temps !
Propos recueillis par
Yougourthene Kechit