- C'est notre histoire
La Commune
Alain, habitant de Villiers-le-Bel, est un ancien prof d'histoire, il nous livre ici une tribune plutôt pointue sur la “Commune”…

Ce soir 28 mai 1871, à Belleville la dernière barricade communarde est tombée. En début d’après-midi, Eugène Varlin, responsable du comité central, a été fusillé. Le petit peuple ouvrier, hommes, femmes et enfants, est exécuté sans jugement. Partout dans Paris règne la désolation et Edmond de Goncourt de préciser « On les abat à la mitrailleuse, quand j’ai entendu le dernier coup de grâce ça m’a soulagé ». Autour du cimetière du Père Lachaise le calme est revenu, laissant désormais la place à un silence pesant.
C’était il y a 146 ans et la Commune chante encore à nos cœurs, à notre imaginaire culturel. Une insurrection populaire de 72 jours, un petit fait de l’histoire, une pulsation du temps à la dimension de l’espoir qu’il suscita, à la hauteur des utopies imaginées par les philosophes du XVIII ème siècle réalisées par Jean Baptiste Godin 10 ans plus tôt créant à Guise Le familistère, l’utopie enfin réalisée.
La plupart des historiens analyse la Commune de Paris de manière chronologique, de l’occupation de la France au siège de Paris, par les prussiens durant un rude hiver accentuant la souffrance des soldats, des populations ouvrières, des femmes et des enfants sans gîte ni couvert.
Ils s’arrêteront sur la semaine sanglante où les troupes versaillaises fusilleront nombre de ces travailleurs, aidées en cela par l’armée d’occupation prussienne ainsi que par les soldats prisonniers français libérés à cet effet.
Ces historiens lyriques chanteront l’espoir assassiné, décriront avec force détails, ces hommes, femmes et enfants, éventrés, violés, étripés comme poulets à l’abattoir.
Cette folie furieuse que l’on retrouvera dans l’ensemble des génocides du XXe siècle. Images horribles et absurdes en même temps car ces morts, nous ont légué un message, que la vie peut être différente, que la vie peut être douce et bonne pour peu que l’on soit acteur de cette vie. La Commune, par un foisonnement d’idées formidables, sans bréviaire intellectuel, a pu voter à l’intention des gens de peu, en faveur des plus déshérités, des textes à vocation universelle.
Ces textes qui ont toute leur importance aujourd’hui où la Ve république se meurt d’un déficit démocratique, s’organisant en oligarchie, s’appropriant de ce fait à elle seule la République.
Si le mur des fédérés représente la tristesse de la mort et la bêtise du nanti d’un pouvoir sans imagination assis sur ses dividendes ne survivant que par la haine du peuple et de son élimination programmée, les décisions de la Commune restent d’une actualité criante même si les critères de la pauvreté moderne et actuelle ont semblé changer.
Paris, 8 février 1871
Jour d’élection de l’Assemblée Nationale, les plus riches ont quittés la capitale depuis l’avancée des troupes prussiennes. Le scrutin se déroule dans de bonnes conditions, le calme règne à Paris et en France.
Le siège a été levé 10 jours plus tôt. Paris est de nouveau ravitaillé mais il n’en reste pas moins que lors de ces élections ces têtes de liste sont progressistes : « Louis Blanc le vieux socialiste jacobin, Victor Hugo, le poète, Edgar Quinet le philosophe, Henry Rochefort, le journaliste et même Garibaldi héros de l’indépendance italienne, qui ne pourra siéger du fait de sa nationalité ainsi que Jules Grévy futur Président de la République.»
Au moment de l’élection, il ne reste que quelques jours pour négocier la paix avec la Prusse..
Paris, 10 février 1871
Jules Favre est à Versailles pour discuter avec le Chancelier Bismarck d’une prolongation de l’armistice un report du délai d’une semaine afin de mener à bien cette négociation. La situation de la France est inquiétante… Le roi de Prusse a été proclamé empereur d’Allemagne à Versailles le 18 janvier. Près de 500.000 soldats, allemands, prussiens, bavarois, saxons, occupent 32 départements français qu’ils dépouillent avec barbarie. Les représentants de la Nation élus le 8 février se rassemblent à Bordeaux au grand théâtre, siège provisoire de l’Assemblée Nationale qui devrait comprendre 768 membres mais où n’en siègent que 644.
Le jeudi 16 mai, Jules Grévy est élu Président de la République chargé de désigner un chef de gouvernement. C’est naturellement qu’il propose Adolphe Thiers.Paris subit un siège qui doit reprendre le 28 février, d’autant plus désespéré que les forts autour de la capitale ont été livrés à l’ennemi au moment de l’armistice. 320.000 soldats français sont prisonniers en Allemagne, 15.000 internés en Belgique, 50.000 en Suisse, auxquels s’ajoutent 200.000 blessés ou malades.
La vie économique est paralysée : fermeture des usines et des ateliers. Le chômage sévit engendrant la misère et une nette dégradation du climat social.
En cette fin 1870, les parisiens éprouvent l’amère sensation d’être trahis sans pouvoir combattre. Les milieux révolutionnaires sont les plus passionnés ; mais c’est dans la Garde Nationale que l’on manifeste le plus car la guerre de 1870 lui a donné une importance particulière. Elle est devenue pour de nombreux chômeurs une véritable occupation puisqu’il s’y attache une indemnité de trente sous par jour. Cette Garde Nationale parisienne a un visage bien particulier, elle est le reflet de la transformation de Paris sous le second empire.

Les grands travaux d’Haussmann pour agrandir Paris ont eu deux conséquences :
-D’une part les nombreux chantiers attirent vers la capitale des milliers d’ouvriers de province venus augmenter son prolétariat et modifier ainsi la répartition de la population.
-D’autre part, la destruction massive des logements vétustes du centre de Paris ont déplacés les populations ouvrières vers d’autres quartiers. Les quartiers neufs de l’Ouest sont occupés par la petite bourgeoisie, tandis que les ouvriers, les artisans habitent les quartiers du Nord et de l’Est, de Montmartre, de Belleville, de Ménilmontant, de la République et du faubourg Saint-Antoine.
Les trente sous quotidiens sont une nécessité dans une ville qui employait 600 000 personnes au début de 1870 et qui n’en occupe plus que 114000 à la fin du siège. Lissagaray membre de la Commune pouvait dire :
« La Garde Nationale c’était le Paris viril tout entier ».Sans vouloir refaire l’histoire de la Commune, il me semblait nécessaire de camper la situation de la population parisienne ce 19 mars 1871.
Les parisiens ont transportés leurs canons achetés par souscription à Montmartre. Dans la nuit, les généraux Thomas et Leconte sont chargés par Versailles de reprendre ces pièces d’artillerie à la Garde Nationale. Le coup de main Versaillais échoue et les deux généraux sont assassinés par leur troupe quelques heures plus tard.

Cet épisode marque le début de ce qui sera la Commune de Paris. Une vive effervescence règne sur Paris, les insurgés se réunissent 24h/24 et dénoncent la Politique de M. Thiers, dans un climat insurrectionnel, des barricades sont construites, les représentants de la Commune commencent à se rendre compte de leur responsabilité.Le 21 mars 1871 Jules Vallès dans son éditorial du Cri du Peuple écrit : « Paris s’est reconquis. Il est maintenant libre et souverain, maître de ses destinées et de son avenir »
A Versailles, c’est le deuil et la consternation, à la grand-messe on a prié pour que Dieu conserve Mr Thiers à la France et Edmond de Goncourt a fait part « de son immense fatigue d’être Français »

Le comité central s’est installé à l’Hôtel de Ville. Les maires des arrondissements parisiens ont essayé de négocier avec Versailles, mais ils n’ont plus rien à espérer de Versailles ; sinon de la haine et du sang.
Les Parisiens sont invités aux urnes, sans qu’à aucun moment le gouvernement n’interdise ces élections. C’est pourquoi le Parisien, de quelque bord qu’il soit, à quelque classe sociale qu’il appartienne, peut aller au bureau de vote, avec bonne conscience, la Commune est en grande partie proudhonienne ; c’est-à-dire pratique et pragmatique, concrète et réaliste -même si elle rassemble aussi des blanquistes, des fouriéristes, de simples républicains.
Marx n’aima pas la Commune qui n’était pas marxiste ! Proudhon était mort depuis 6 ans, pourtant ce sont ces idées anarchistes et libertaires qui l’emporteront. C’est vrai, les révolutionnaires de mars n’étaient pas préparés, pas de révolutionnaires professionnels, d’activistes politisés, de doctrinaires bardés de certitudes intellectuels.
Le peuple prend en charge son destin avec une envie de justice et de liberté, de dignité et de fraternité. La grandeur du peuple réside dans son génie colérique, dans sa capacité d’indignation, dans sa force de nouveauté, dans sa vertu révolutionnaire.
Or, préparer une révolution s’effectue avec calme et patience, loin des feux de la rampe pourtant ces hommes et femmes ont des idées Communes, l’amélioration du sort des ouvriers et de leur famille, ainsi qu’une vision à long terme de l’avenir de l’humain, c’est ce qui me fait aujourd’hui se rapprocher l’idéal de la Commune et les revendications sociales d’aujourd’hui.
Essayons de mettre en parallèle ces diverses propositions :
La première décision de l’assemblée communale sera de voter un moratoire s’agissant du paiement des loyers, ainsi que l’abandon des poursuites pour loyers non payés ; ainsi que l’allongement des délais pour le paiement des dettes.
A ce stade, il nous faudra remarquer que la Commune n’organise pas de tribunal révolutionnaire pas de procès politique, pas d’échafaud, pas de profession de foi révolutionnaire. Bien sûr il y aura des exactions, des drames, des assassinats, les mouvements de masse sont toujours porteurs de vengeances souvent injustifiées mais le bilan social et législatif voté par le comité central reste d’actualité ; égalité H/F Réquisition de logements inhabités… (Voir encadré : Bilan législatif de la commune).
Comme les Versaillais de 1871 assassinant les communards, la bourgeoisie et ses valets médiatiques détestent les classes moyennes au point de mettre en péril leurs propres structures et de nous promettre un monde de guerre, acceptant délibérément la barbarie.
Ce monde d’argent n’a pas changé depuis 2 000 ans aidé par les églises, il organise l’austérité par la peur de la mort qu’elle soit naturelle ou violente. Le plus souvent, il sort vainqueur de ces confrontations, toujours par la violence, et l’anéantissement des idées nouvelles et progressistes. « Le sang sèche vite » et le passé n’est souvent pas représentatif du présent, pourtant les idées de la Commune restent dans l’air du temps depuis 1871, Les morts de la Commune deviendront le ferment du front populaire de 1936, puis du programme du Conseil National de la Résistance, en 1945 puis des revendications étudiantes de mai 1968 ainsi que d’autres luttes en cours…ici et maintenant.
Il est nécessaire et urgent de transformer nos sociétés afin de nous ramener à plus de justice sociale et d’humaniste.
La Commune, c’est trente-cinq siècles d’utopies et des matérialismes qu’y si rattachent.
D’Epicure à Spartacus de Spartacus à Jésus, de Jésus à Augustin, d’Augustin à Pascal puis de Galilée à Newton et Denis Diderot, à la révolution française qui permit à l’homme de s’idéaliser dans de grands rêves collectifs communs aux peuples d’Europe.
Parce que l’on annonce la mort de Dieu, les sciences s’activent et se développent rapidement, plus le rêve des jours meilleurs ne s’installe dans les cerveaux, au point de pouvoir soutenir que la réalité est à la portée du rêve.
Que l’homme est désormais libre de déterminer son destin (Du moins le pense t-il ?) De pouvoir s’organiser dans des sociétés libres, mais attention,… l’humain qui est au cœur de la barbarie, n’est qu’une bête, un carnivore, un prédateur s’acharnant sur les dépouilles comme hyène en furie. A La différence de l’animal, qui doit manger pour vivre, l’homme agit avec son intelligence et sa capacité à vivre en société, et quelque soit le type de société.
Le salaud, c’est celui qui profite de la faiblesse pour s’enrichir, qui s’installe sur la nécessité pour en tirer profit, qui jouira d’amasser le plus de biens possibles, l’égoïsme des uns organisant la pauvreté des autres mais qui à la fin pourrira dans son tombeau livré à la chaine alimentaire, nourrissant vers et insectes nécrophages, juste retour des choses.
Alors, il ne restera plus qu’un nom sur la pierre déjà effacé par le temps ; un nom dont la seule issue est l’oubli, enfin la victoire pour la Commune, qui elle n’est pas morte.
Par Alain Barberye
BILAN LEGISLATIF DE LA COMMUNE
- Réquisition de logements inhabités,
- Création d’orphelinats, Interdiction du travail de nuit pour les enfants, Attribution de pension pour les blessés, les veuves, les orphelins des gardes nationaux tués au combat.
- Egalité des salaires entre hommes et femmes (cette revendication reste toujours d’actualité aujourd’hui)
- Création d’un salaire minimum.
- Vente publique d’aliments au prix coûtant, distribution de repas. Attribution des ateliers abandonnés aux coopératives ouvrières après indemnités aux propriétaires.
- Encadrement ouvrier dans les usines ou les ateliers.
- Ecole gratuite et laïque. Création d’école professionnelle-Liberté de la presse.
- Reconnaissance de l’union libre, mariage par consentement mutuel. Reconnaissance des enfants illégitimes.
- Gratuité des actes notariaux-Séparation de l’église et de l’état, rupture avec le concordat, suppression du budget des cultes, sécularisation des biens du clergé laïcisation des hôpitaux.
- Proclamation de la République Universelle (pour réaliser dans les faits, l’abolition de l’esclavage votée en 1848.)
- Instauration d’une inspection des prisons. Incendie de la guillotine place Voltaire
- Suppression de la peine de mort.