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En quête de dialogue

Dernière mise à jour : 2 sept. 2020

Comprendre la dégradation des rapports Police-Population. C’est l’objectif que s’est fixé un collectif d’associations issues des quartiers populaires du Val d’Oise et de la Seine-Saint-Denis en collaboration avec l’ACPJ. Autour de la table, commissaire de Police, éducateurs spécialisés, ex-détenue, travailleur social, policiers, chercheur, étudiants, entrepreneurs, magistrat et membres de la famille d’une des victimes de Villiers-le-Bel en 2007 échangent en toute transparence.

Des vidéos de violences policières aux manifestations dénonçant le traitement différentiel dans les quartiers populaires, l’institution policière n’a pas le vent en poupe. Et pour cause. Montrée comme une institution globalement raciste et violente, ses agents seraient les dignes héritiers des cow-boys ; l’uniforme aurait pris le pas sur l’humanité, dépassant les valeurs de la République sous le sceau desquelles ils travaillent.


Face à cet afflux médiatique et audiovisuel, difficile, dès lors, de se faire une juste opinion des rapports police-jeunes. Comment porter un regard objectif sans prendre parti dans ce qui est montré comme une opposition entre deux bandes rivales ? Fantasmés ou réels, les clivages police-jeunes ne sont pourtant que l’un des détracteurs d’un problème qui semble plus sociétal que limité aux quartiers populaires. Christophe Korell, fondateur et Président de l’Agora des Citoyens, de la Police et de la Justice, est en effet catégorique : la confiance envers l’institution s’est dégradée à l’échelle de la société.


Réunir policiers, associations et habitants issus de ces territoires au cours d’un groupe de travail centré sur ces questions, a alors permis de tirer quelques pistes explicatives pour comprendre l’effritement des liens citoyens-institution.


Attention, un jogging cache très certainement un délinquant !


Les a priori sur les jeunes et les quartiers ont fait consensus du côté associatif et habitant. « Y’en a marre des clichés » a commencé Kader, un jeune de Villiers-le-Bel en lien avec les événements de 2007. « Si on reste que dans les clichés ‘banlieue, arabes et noirs’, tout de suite ça met une distance », a renchéri Karima, originaire de la ville et éducatrice auprès de jeunes primo-délinquants. Des clichés qui touchent toutes les couches de la population, y compris la branche policière.

Objectif premier : apprendre à se connaitre pour mieux se comprendre. ©visagomédia


Issus d’une ville encore stigmatisée pour les violents affrontements avec la police intervenus il y a plus de dix ans, ces deux habitants jugent les médias responsables de l’image qu’ils donnent aux cités. «C’est des histoires de 2007» relate Kader, critiquant les émissions grand public sur les problèmes police-jeunes dans différents quartiers de la métropole. «Ils nous mettent ça en boucle et ils font peur à tout le monde.»


De fait : l’effet papillon n’est pas sans conséquences sur les effectifs fraîchement diplômés des écoles de police. « Il y a des policiers qui peuvent tout de suite partir sur un a priori, il faut l’entendre aussi », rappelle Christophe Korell à la Commissaire Azalbert, responsable de la circonscription au Commissariat de Sarcelles. « On a des jeunes […] qui viennent de province et qui arrivent dans des quartiers qui sont compliqués à gérer. […] Ils arrivent avec des représentations qu’ils se sont faits avant. » Tout en rappelant avec nuance que les comportements individuels, violents et racistes, ne sont pas représentatifs de l’ensemble de l’institution et de ses valeurs. De même que certains jeunes n’agissent pas toujours correctement envers l’institution.


Des “cow-boys” déguisés en policiers ?


Partant de ces a priori sur les jeunes, les bases d’un dialogue apaisé ne sont pas toujours posées lors d’un contrôle de police. Et ces mauvaises expériences vécues dans les quartiers ne sont pas sans impact sur les sentiments qu’ils entretiennent à l’égard de l’uniforme.

La police, on les voit seulement quand il y a un problème et on ne les montre pas assez quand il y a des bonnes choses» regrette Solange Cabit. ©pixabay


«La relation police-jeune, c’est forcément autour d’un contrôle, d’un conflit» rappelle en effet Karima à l’assemblée. Les mots sont posés. Et ils font écho auprès des participants. Lamine, éducateur PJJ habitué à travailler en partenariat avec la police, témoigne sous sa casquette de citoyen d’une mauvaise expérience qu’il a eue avec un jeune policier. Malgré ses accointances, il souligne que ce type d’attitude agressive peut former quelqu’un qui deviendra par la suite une gêne pour la police, par son opposition.


Entre le vocabulaire mal choisi, la violence verbale ou physique et le sentiment d’un traitement différentiel, l’antipathie a plusieurs girons. Mais pour les policiers de l’ACPJ, l’image exclusivement répressive et violente que les médias attribuent à la police constitue également l’une des causes de la fracture. Une opinion partagée par des habitants du territoire. «On les voit seulement quand il y a un problème et on ne les montre pas assez quand il y a des bonnes choses» regrette ainsi Solange Cabit, Présidente de l’association Dialogue de Femmes et habitante de Villiers-le-Bel. Certains ont tenu à rappeler qu’«l y a aussi des bons policiers».


Certaines exceptions au sein du corps policier entachent cette belle profession, clôturera ainsi Madame Cabit, cependant elles ne doivent pas être prises comme représentatives de l’ensemble de la profession. Habitante de Villiers-le-Bel depuis plusieurs dizaines d’années, elle a tenu à rappeler combien il était important de replacer l’humain derrière l’uniforme, aujourd’hui considéré plus comme un synonyme de répression que d’humanité. Des propos accentués par ceux de Madame la Commissaire Azalbert rappelant qu’il «y a des choses positives qui se font ».


(Dé)formation, (dés)information, représentations…


Comment voir le positif d’une institution qui n’est montrée que dans sa dimension répressive ? Lamine, qui travaille auprès des jeunes de Seine-Saint-Denis, insiste sur l’importance de communiquer auprès d’eux sur la diversité des métiers de la police et la justice. Prévention, sauvetage, secours, soutien aux victimes, lutte anti-terrorisme … les facettes du travail de policier sont multiples. Mais sont-elles connues de la population ?

Échanges entre la Commissaire Azalbert et des habitant(e)s des QPV. ©visagomédia


Des dispositifs de formation existent déjà pour faire connaître aux jeunes comment fonctionne un commissariat, mais l’éducateur aimerait qu’ils soient renforcés, afin que les uns et les autres apprennent à se connaître. « Il faut peut-être qu’il y ait beaucoup plus de communication et de connaissance de ce qu’on fait les uns les autres », a reconnu Madame la Commissaire Azalbert, en ajoutant que l’institution «communique très mal sur ce [qu’elle] sait faire.»


Moins de paroles, plus d’actes !


Cependant, la bonne volonté ne suffit pas à institutionnaliser ce travail d’interconnaissance police-population. Pour l’instant ponctuelle, cette dynamique est circonscrite à l’échelle locale et à la volonté des responsables locaux.


Sur ce point, Christophe Korell est clair : «il y a aussi une question politique». Rappelant les bienfaits de cette police de proximité qui allait au contact des citoyens, sa suppression a marqué le tournant vers l’accroissement de la répression dans les quartiers. Une répression néanmoins nécessaire selon l’ex-policier, mais qui «a perdu peut-être cet équilibre avec la prévention». Pour cause : du côté des habitants, les conséquences sont sans appel. «Le manque de communication entre le jeune et le policier […] fait qu’il y a un conflit police-jeune et police-population en général.»


Pour solutionner ce problème qui concerne les citoyens comme la police, des pistes toutes simples ont été proposées. Du côté citoyens, l’éducation est au cœur de l’échange. Les informer sur leurs droits, remettre de la pédagogie et du dialogue au cours des contrôles et faire savoir les conséquences des éventuelles peines qu’ils pourraient contracter sont autant de connaissances nécessaires qui pourraient contribuer à améliorer les rapports police-population, et à faciliter son travail. Du côté de l’institution policière : l’empathie, le dialogue et la pédagogie ont été les maîtres-mots des attentes des habitants.


Par Emmanuelle Alves


Article modifié le 2 septembre 2020

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